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Bernard-Henri Lévy, un « ennemi public » à New York

Portrait du philosophe Bernard-Henry Lévy, invité de la première édition du Festival of New French Writing, à New York University du 26 au 28 février prochain.

Jusqu’au 28 février, New York University accueille le Festival of New French Writing, un cycle de rencontres littéraires entre auteurs français et américains, mis sur pied par Cultures France, préparé par le journaliste français Olivier Barrot et l’universitaire américain Tom Bishop et coorganisé par les services culturels de l’ambassade de France. Olivier Rolin et E.L. Doctorow ont été choisis pour donner le coup d’envoi du festival, qui accueille également Adam Gopnik, Edmund White, Philip Gourevitch et Chris Ware côté américain. Côté français, on retrouvera Frédéric Beigbeder, Emmanuel Carrère, Marie Darrieussecq et Bernard-Henri Lévy.

Dans Ennemis publics, son dernier ouvrage co-écrit avec Michel Houellebecq, Bernard-Henri Lévy se présente comme un écrivain mal aimé, mal compris, dont l’itinéraire et le succès provoquerait la jalousie aussi bien que la médisance. C’est un point de vue, le sien, que l’on est en droit de ne pas partager. Car comme Houellebecq, il n’a jamais cessé, depuis ses débuts, de recueillir au contraire la curiosité, sinon la bienveillance, des commentateurs et des lecteurs. Au point d’accéder au rang, plus ou moins enviable pour les intellectuels dignes de ce nom, de people, aussi recherché des échotiers que les vedettes du show-biz et du sport.

Pourtant, cette incontestable notoriété, voire cette célébrité plus que seulement française, masque le réel talent, le courage et l’originalité littéraires de l’écrivain. Lévy, soixante ans, se fait connaître à la fin des années 1970 tandis que les sciences humaines à la française – la French Theory, comme elles sont connues aux Etats-Unis – dominent le débat européen, sous l’autorité de maîtres prodigieux comme Barthes, Lacan, Levi-Strauss, Vernant et Foucault. Se démarquant du marxisme encore dominant, Lévy conçoit une sensibilité, davantage qu’une école, dont il s’impose comme la figure tutélaire, porté par une éloquence et une élégance personnelles impressionnantes.

Un philosophe de terrain

Les « nouveaux philosophes »  occupent le devant de la toute récente scène médiatique, Lévy dénonçant efficacement les habitudes de pensée issues du matérialisme, aussi bien que les relents rancis d’une pensée française, à l’en croire, encore pénétrée par l’esprit de collaboration issu du régime de Vichy. Tout cela provoque, bouscule, séduit, énerve. D’autant que le même Lévy s’essaie au théâtre, au roman, bientôt au cinéma, avec des fortunes diverses, mais toujours un aplomb et un soutien mondain d’autant plus inébranlables qu’éditeur de revues et directeur littéraire avisé, il a remarquablement su organiser ses réseaux.

Mais Lévy n’est pas seulement un polygraphe doué. Journaliste, il entend comme Malraux enquêter sur le terrain, où il excelle, et par lequel il avait débuté au Bangladesh. Le grand reportage, auquel Albert Londres et Joseph Kessel ont donné ses lettres de noblesse, est une vocation qui le pousse à traquer les terrorismes issus de l’extrêmisme religieux. Ce qui ne l’empêche nullement de réfléchir à Sartre, l’aîné, de voyager en profondeur au cœur d’une Amérique qu’il aime et craint de voir sombrer dans un vertige aveuglé, de soutenir la candidate socialiste Ségolène Royal aux élections présidentielles de 2007, quelles que soient ses réserves à l’endroit du parti que celle-ci représente. Bref, un citoyen-philosophe emporté dans son siècle, doté d’une capacité de travail et d’un engagement physique plutôt rares.


Festival of New French Writing
Du 26 au 28 février 2009
New York University
Vanderbilt Hall