Histoire

Joséphine Baker et Burt Lancaster, émissaires de France à la Marche sur Washington de 1963

La capitale fédérale s'apprête à fêter les 50 ans de la marche pour les droits civiques, dont l'apogée fut le discours « I Have a Dream » de Martin Luther King. Joséphine Baker et Burt Lancaster, partis depuis la France, ont pris part à la mobilisation politique.
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Joséphine Baker dans son uniforme des Forces françaises libres, sur le National Mall, le 28 août 1963.

« Je dois vous le dire, mesdames et messieurs, dans ce pays, je n’ai jamais eu peur. C’était un endroit féerique. » Celle qui s’adresse à la foule réunie sur le National Mall à l’occasion de la Marche sur Washington, ce 28 août 1963, est citoyenne française depuis 1937. Joséphine Baker ne parle pas de sa terre natale, les Etats-Unis, mais de la France, où elle s’est expatriée en 1925.

Pour l’occasion, Joséphine Baker a revêtu son uniforme des Forces françaises libres (elle a le grade de sous-lieutenant dans l’Armée de l’air), paré de la Croix de guerre et de la Légion d’honneur. Elle a 57 ans et poursuit son combat pour la liberté. Sa présence n’était pas garantie. En Amérique, l’artiste et militante pour l’émancipation était perçue par les plus radicaux comme trop française, éloignée des préoccupations et des combats pour l’égalité sur le territoire. Mais Joséphine Baker connaît le pasteur King, ce qui facilite sa venue. Son manager, Phil Randolph, s’était tout de même assuré que son apparition soit bien « remarquée » et qu’un hébergement « décent et adéquat » lui soit accordé.

Sous un soleil de plomb, Joséphine Baker est la seule femme à prendre la parole à la tribune, pour un discours qui dure vingt minutes. Dans un style oral, elle revient sur son histoire, rappelle son enfance dans le Missouri, les émeutes d’East St. Louis dans l’Illinois et son départ pour la France, son pays d’accueil. Elle évoque ensuite la liberté de pouvoir entrer dans un restaurant, demander un verre d’eau, sans avoir à fréquenter des lieux publics ségrégués. Elle dit s’être habituée à cette liberté retrouvée, sans avoir peur des insultes et du regard des Blancs. A la fin de son intervention, elle souhaite à toute l’assistance d’avoir autant de fortune qu’elle, sans avoir besoin de fuir son pays pour la trouver.

A ses côtés, la vedette d’Hollywood Burt Lancaster. Il est à cette période en tournage en France pour le film The Train de John Frankenheimer, dans lequel il incarne un chef de la Résistance. Il a fait le voyage jusqu’à Washington D.C. uniquement pour la journée, bravant sa peur de l’avion pour participer à l’événement historique. A Paris, il a pris part une semaine plus tôt à une marche de citoyens américains vers l’ambassade des Etats-Unis organisée par l’écrivain James Baldwin, spécialiste de la condition des citoyens noirs en Amérique.

Reçus par l’ambassadeur américain Charles E. Bohlen, les marcheurs ont rédigé une déclaration de soutien à la manifestation dans la capitale fédérale. Baldwin et Lancaster apportent à Washington une pétition signée par 1 500 Américains vivant à Paris. L’acteur prend la parole et lit la déclaration, dans laquelle il explique pourquoi il n’est pas « aisé d’être Américain à l’étranger ».