French America

Les racines françaises du mont Herard

De nombreuses régions, villes, montagnes et rivières aux Etats-Unis portent des noms français. Ces toponymes témoignent de l’héritage français en Amérique du Nord. Chaque mois, l’auteur franco-américain Anthony Lacoudre décortique leurs racines. Ce mois-ci, un pic des montagnes Rocheuses et la famille française qui lui donna son nom.
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© Mathieu Persan

C’est l’histoire d’une montagne qui changea de noms plusieurs fois. Avant de prendre celui qu’on lui connaît aujourd’hui, cette éminence granitique dominant le parc national et réserve de Great Sand Dunes, dans le sud du Colorado, s’est d’abord appelée Medano Peak (de l’espagnol médano, « dune de sable ») puis Mount Seven, en référence aux sept pointes qui forment son sommet.

En 1984, une décision de l’U.S. Board on Geographic Names consigna ces deux noms au placard de l’histoire. C’est ainsi que la 84e montagne la plus haute des Etats-Unis, culminant à 4 068 mètres, reçut son appellation actuelle : Mount Herard, en hommage à la famille « qui a établi une propriété sur les pentes de la montagne en 1876 et y a maintenu un ranch jusqu’en 1948 ».

Jean-François Herard est né en France en janvier 1833. Chercheur d’or en Californie à 16 ans, il s’installe aux Etats-Unis avec son épouse suisse, Julia, et leur premier enfant, Ulysses, naît le 20 juillet 1859 à Independence, dans le Missouri. Après un passage par le Kansas, la famille traverse en chariot les Grandes Plaines en 1872 – voyage au cours duquel périt leur fille Euphrasie, âgée de 10 ans – et érige une cabane de rondins le long de la rivière Medano.

Bientôt, un élevage de bétail, de chevaux et de truites voit le jour. Mais la vie dans le canyon est rude. Pour protéger le cheptel familial, Ulysses, que l’on surnomme the Frenchman, tuera au cours de sa vie plus de cent pumas et un ours, qu’il terrassa d’un coup de hache après que son pistolet se soit enrayé. Devenu quasiment sourd suite à un accident de cheval, il était reconnaissable à la corne de vache évidée qu’il portait en permanence à son oreille !

Entre 1905 et 1912, le ranch accueille un bureau de poste et la femme d’Ulysses, Mary Frances, est nommé receveuse. Aujourd’hui, les ruines de la maison ne voient plus passer que des randonneurs et des mouflons. Mais la montagne qui domine la région continue de rendre hommage, selon l’historien Mike Butler, à « l’une des familles pionnières légendaires autour des Great Sand Dunes ».


Article publié dans le numéro d’octobre 2022 de France-Amérique. S’abonner au magazine.