France-Amérique : Les pays d’Asie ont réagi plus vite que nous à la pandémie. Avec plus de succès ?
Robert Sebbag : La Chine, après un mois de dénégation, a reconnu l’évidence : la pandémie ressemblait bien à celle du SRAS en 2003, une pneumonie virale grave et contagieuse. Les pays voisins affectés par le SRAS – la Corée du Sud, Hong Kong, Singapour, Taïwan et le Japon – ont immédiatement reconnu le coronavirus, savaient comment agir et leur stratégie était prête. En trois mois, tous ont contrôlé la pandémie, alors qu’en Occident, nous en sommes loin.
Qu’ont-ils fait que nous aurions dû faire ?
Au lieu de confiner tout le monde – comme c’était le cas en France et comme ça l’est encore aux Etats-Unis –, ce qui conduit à un stress psychologique insupportable et à une catastrophe économique, les pays d’Asie ont immédiatement isolé les foyers d’infection grâce à des tests systématiques. Les malades ont été interrogés pour repérer tous leurs contacts. De cette manière, seules les personnes infectées ou contagieuses ont été confinées, tandis que le reste du pays fonctionnait normalement. Les hôpitaux n’ont pas été débordés.
Pourquoi les Etats-Unis et la France n’ont pas adopté cette même stratégie ?
Les dirigeants français et américains ont estimé que cette maladie resterait asiatique, ce qui était absurde puisque, dès le mois de janvier, on a vu apparaître des malades à Seattle, une ville qui a beaucoup d’échanges avec la Chine, et en France. A cet aveuglement fatal, surtout aux Etats-Unis, s’est ajoutée une impréparation totale : aucun plan d’urgence dans les hôpitaux, pas assez de respirateurs artificiels. En France, les stocks de masques n’avaient pas été renouvelés depuis dix ans !
Le confinement généralisé adopté quasiment partout en Europe et aux Etats-Unis est-il la seule solution ?
Oui, il est trop tard pour s’en tenir à un confinement partiel. Compte tenu de la diffusion rapide du coronavirus et du taux élevé de mortalité, l’absence de confinement et le fait de laisser faire l’immunité naturelle provoqueraient inévitablement plusieurs centaines de milliers de morts
On réserve les masques au personnel soignant, expliquant que c’est inutile pour les autres…
Cet argument pseudoscientifique est choquant. Le port du masque par tous réduirait la contagion mais, faute de masques, on invente des raisons médicales inexactes.
Faudrait-il tester tout le monde ?
Oui, il aurait fallu, mais là encore, c’est trop tard. On avance des fausses raisons pour ne tester que les malades, parce que la France et les Etats-Unis manquent de tests. Quand l’épidémie s’éteindra dans deux ou trois mois, il faudra, de toute manière, examiner par prise de sang qui est immunisé ou pas, de manière à prévenir une récidive à l’automne. Si le taux d’immunisation est faible, il faudra confiner à nouveau.
Comment deux des pays les plus avancés au monde, la France et les Etats-Unis, se retrouvent-ils dans cette situation désastreuse ?
L’arrogance des dirigeants et le manque d’écoute des experts, qui sont des chercheurs discrets, expliquent cette situation.
Entretien publié dans le numéro de mai 2020 de France-Amérique. S’abonner au magazine.