Francophonie

Le concours d’éloquence, une tradition française qui tient bon en Louisiane

Après deux ans d’absence due à la pandémie, le Concours oratoire francophone était de retour à La Nouvelle-Orléans. Une tradition lancée dans les années 1950 par le Conseil des sociétés françaises de la ville.
Samarah Bentley, premier prix dans la catégorie « Français Immersion II », en compagnie d’Alexandra Stafford, la présidente du CSFNO, et de Jacques Baran, l’attaché culturel au consulat de France à La Nouvelle-Orléans. © Peter Le

Le lycéen entre dans la salle de classe, confiant. Il n’a pas le droit de donner son nom, ni de dire à quelle école il est inscrit, afin d’assurer l’impartialité des trois juges qui lui font face. Il prononce quelques formules de politesse en français, explique le choix de son poème en citant sa ressemblance au jeune personnage du texte, la situation en Ukraine et l’absurdité de la guerre. Dans une langue impeccable, il commence à réciter : « C’est un trou de verdure où chante une rivière… »

Le samedi 12 novembre 2022, un peu plus de trois semaines avant la visite d’Emmanuel Macron en Louisiane, où le président français annoncera la création de l’initiative « French for All », 32 élèves inscrits en cours de français langue vivante ou en immersion, une dizaine de professeurs, quinze juges et une armée de bénévoles se sont donnés rendez-vous à l’Ecole bilingue de La Nouvelle-Orléans pour le premier Concours oratoire organisé depuis 2019.

Fondée dans les années 1950 par le groupe France-Amérique [sans relation avec le magazine], cette compétition annuelle – une pratique académique qui trouve ses racines dans la France du XVIIIe siècle – est chapeautée depuis vingt ans par les bénévoles du Conseil des sociétés françaises de La Nouvelle-Orléans (CSFNO), qui regroupe une dizaine d’associations vouées à la promotion de la langue et de la culture française et francophone.

La préparation du concours commence des mois à l’avance. Cécile Andry, 86 ans, maintient un tableau Excel qu’elle met à jour tous les ans au début de l’année scolaire. Une tâche chronophage qui consiste à appeler une quarantaine d’écoles publiques et privées dans les six paroisses autour de La Nouvelle-Orléans pour confirmer l’existence de cours de français et vérifier le nom et les coordonnées des professeurs.

Cécile Andry a repris l’organisation du Concours oratoire au début des années 1990. « Quand la dame qui s’en occupait m’a annoncé qu’elle ne pouvait plus continuer, j’ai follement accepté d’en devenir la marraine », explique l’ancienne présidente de l’Alliance Française locale. « J’ai perdu toutes les archives des années précédentes dans l’ouragan Katrina en 2005. Depuis, j’ai beaucoup reconstitué de mémoire et je continue de le faire pour les élèves et pour le français. Heureusement, je suis entourée du conseil d’administration du CSFNO. Tout le monde joue un rôle. »

Dans les couloirs de l’Ecole bilingue, les participants au concours s’impatientent. Chacun attend son tour devant la salle de classe qui lui a été attitrée – une par catégorie : Français I, Français II, Français III, Français IV, Immersion I, Immersion II. Plus le niveau est avancé, plus les juges seront pointilleux sur les questions de prononciation, de grammaire, de liaison et d’accord.

Une opportunité de pratiquer le français en dehors de l’école

A la clé du concours : une bourse de 100 dollars aux trois premiers, un abonnement au magazine France-Amérique et d’autres lots offerts par le Centre de la Francophonie des Amériques au Québec et la maison d’édition franco-manitobaine Apprentissage Illimité. La remise des prix a lieu le 11 décembre. Les lauréats, ainsi que leurs parents et leurs professeurs, sont conviés chez l’une des membres du CSFNO pour la cérémonie. C’est l’occasion de féliciter les jeunes orateurs et de parler français.

Samarah Bentley ne pouvait imaginer une autre année sans participer au concours. « J’ai remporté le troisième prix quand j’étais en ninth grade », témoigne la jeune femme, en twelfth grade au Lycée français de La Nouvelle-Orléans. « Les deux années de pandémie m’ont privé de l’opportunité de participer et je voulais tellement le faire cette année… J’aime parler français pour rigoler avec mes amies et pour regarder des émissions à la télé. » Elle précise : « Sans les sous-titres ! J’aime cette immersion dans la culture en dehors de la lecture. »

Pour Patrick Benoit, professeur de français au Lycée jésuite de La Nouvelle-Orléans, participer à un concours oratoire comme celui-ci permet à ses élèves d’interagir en français avec d’autres personnes. « C’est important qu’ils entendent le français à l’extérieur de ma salle de classe », explique-t-il, « qu’ils voient que c’est une langue sociale, une langue de créativité et pas uniquement une discipline académique ».

Présent à ses côtés, Frank Young parle français couramment – son professeur peut être fier. En eleventh grade, le lycéen s’exerce en regardant des vidéos sur YouTube, en écoutant de la musique, en lisant. Il aimerait étudier la biochimie à l’université, mais parle français dès qu’il en a l’occasion. Il rêve de découvrir la France et de peut-être s’installer au Luxembourg, « parce que c’est un petit pays et qu’on y parle français ».

Ce 11 décembre, Frank Young a reçu le premier prix de sa catégorie des mains de Jacques Baran, attaché culturel au consulat de France en Louisiane. Comme deux autres élèves de Patrick Benoit, eux aussi lauréats, il récitera devant les invités présents le texte qu’il a retenu pour le Concours oratoire. Son choix ? « Le Dormeur du Val », d’Arthur Rimbaud.

Le meilleur de la culture française

Publié dans un format bilingue, en français et en anglais, le magazine France-Amérique s’adresse à tous ceux qui s’intéressent à la culture française et à l’amitié franco-américaine.

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