Cinéma

L’ingénieur français qui a rajeuni Robert De Niro

Pour leur travail sur le film The Irishman, l’ingénieur français Stéphane Grabli et ses collègues seront en lice dimanche pour l’Oscar des meilleurs effets visuels.
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© Netflix

Le dernier film de Martin Scorsese, produit par Netflix, est un yo-yo narratif. Ellipses, retours dans le temps, sauts en avant, on retrouve le gangster Frank Sheeran à plusieurs étapes de sa vie. Mais pour représenter un jeune GI, un chauffeur routier dans la force de l’âge et un vieillard solitaire, Scorsese refuse d’engager plusieurs acteurs : impensable de diluer le rôle de Robert De Niro.

La technologie existe pour altérer l’apparence d’un acteur, mais le réalisateur ne veut pas encombrer ses vedettes – De Niro, Al Pacino, Joe Pesci – du lourd matériel de capture digitale, casque, capteurs, caméras. C’est là qu’interviennent Stéphane Grabli et ses collègues d’Industrial Light & Magic (ILM), la fabrique d’effets spéciaux de George Lucas à San Francisco.

« Martin Scorsese ne voulait pas de distraction sur le tournage », se souvient le Français, responsable de la capture faciale. « A nous de trouver comment obtenir un modèle 3D du visage de l’acteur à partir de la caméra du réalisateur. » La solution : un système de trois caméras, dont deux infrarouges, et un logiciel d’optimisation numérique surnommé Flux. Dans un jeu de comparaison et de corrections successives, un modèle 3D est déformé jusqu’à ce que l’image de synthèse soit identique à la prise de vue.

Une bibliothèque d’expressions faciales

« Une fois qu’on a capturé la performance de l’acteur, on peut en faire ce qu’on veut à l’aide d’un ordinateur », explique Stéphane Grabli. « On a pour chacun des acteurs un modèle de son visage en position neutre et une centaine d’expressions faciales, modifiées numériquement pour correspondre à plusieurs âges. Une fois qu’on a filmé Robert De Niro ou Al Pacino à 76 ans, on peut transférer son jeu vers une version digitale de lui-même à 24 ans. »

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Le personnage de Robert De Niro, avant et après son lifting numérique. © Netflix

Un premier essai a lieu en 2015 : les ingénieurs reproduisent une scène du film Les Affranchis dans laquelle Robert De Niro subit un lifting numérique pour ressembler au personnage qu’il incarnait en 1990. Scorsese est convaincu : The Irishman sera le premier film à utiliser cette technologie (elle est actuellement utilisée sur deux autres projets). Mais Stéphane Grabli et ses collègues n’ont pas inventé une machine à remonter le temps. Le réalisateur tenant à « préserver la performance des acteurs », les signes du vieillissement, peau distendue, mâchoire tassée, n’ont pas tous été gommés. « C’est pourquoi on ne voit pas à l’écran le De Niro de Taxi Driver ! »

Avant The Irishman, le Français installé aux Etats-Unis depuis 2005 a travaillé sur Star Wars: Episode VII, Captain America: The Winter Soldier, Pacific Rim et les blockbusters de la franchise Transformers. Il a travaillé sur la peau des dinosaures dans Jurassic World et la peau du gouverneur Tarkin dans Rogue One: A Star Wars Story. Un manière d’associer son doctorat en imagerie informatique à sa passion pour le dessin et la bande dessinée. « Travailler pour le studio d’effets spéciaux de George Lucas, c’était un rêve d’enfant qui se réalisait », témoigne le Parisien de 43 ans. « On livre une illusion : c’est un travail d’artiste ! »