Cinéma

Stillwater : un Américain sous le soleil de Marseille

Des milliers de kilomètres séparent Marseille de Stillwater, dans l’Oklahoma. Géographiquement et culturellement, surtout. C’est pourtant dans la cité phocéenne que Tom McCarthy, réalisateur oscarisé de Spotlight, a imaginé l’intrigue de ce thriller peu conventionnel, dores et déjà disponible en salles américaines et prévu en France pour le 22 septembre.
[button_code]
Matt Damon dans Stillwater, de Tom McCarthy. © Jessica Forde/Focus Features

Stillwater raconte l’histoire d’Allison Baker (Abigail Breslin), une Américaine partie étudier à l’université de Marseille et emprisonnée depuis cinq ans pour le meurtre de sa petite amie, Lina, une jeune Marseillaise d’origine arabe. Depuis son incarcération, son père, Bill Baker (Matt Damon), un roughneck qui essaye de reprendre sa vie en main, se rend régulièrement en France pour la voir. Pendant sa dernière visite, de nouvelles informations qui pourraient changer la donne font surface. Contre l’avis de tous, il prend en charge l’enquête dans l’espoir de faire innocenter sa fille et de la ramener à la maison.

Tous les éléments du film d’action sont réunis : un fond de trame (très librement) inspiré de l’affaire Amanda Knox, un père prêt à tout pour sauver sa fille et à regagner sa confiance, quitte à se battre contre des méchants – incarnés ici par la justice française, peu aidante, et les jeunes délinquants des quartiers nord. Matt Damon débarque donc avec ses gros bras tatoués et son look MAGA en PACA.

Pourtant, la figure du mâle sauveur américain n’est pas celle à laquelle nous sommes habitués. Bill se décrit comme « fucked-up », fier de ses origines et de son milieu – certes – mais peu fier de lui. L’histoire est racontée du point de vue de ce personnage complexe qui n’est ni le héros ordinaire, ni une victime innocente. D’autant qu’à Marseille, un Américain dont la fille a été condamnée pour meurtre serait bien avisé de faire profil bas… Matt Damon incarne un gars ordinaire, qui ne cherche à s’attirer ni la sympathie, ni la pitié de son prochain. Alors qu’on s’attendait à un film qui, sur le papier, pétarade, Stillwater propose surtout une peinture sociale en faisant se rencontrer des cultures très différentes.

Matt Damon au stade Vélodrome

L’ancien foreur de l’Oklahoma se retrouve ainsi confronté aux cités HLM, aux tensions sociales et à ce monde à part qu’est Marseille. Mais aussi à un milieu plus bobo, incarné par Virginie (Camille Cotin, révélée dans la série Dix pour cent), une actrice de théâtre et mère célibataire qui va jouer les interprètes et le guider à travers le chaos de la ville. Aucun de ces codes ne lui est familier, mais il n’est pas question de se laisser abattre. On le voit prier, enquêter et même parler français. Il dévale la corniche en Kangoo à la recherche du vrai coupable, assiste à un match de l’OM au stade Vélodrome et se ressource dans les calanques.

stillwater-oklahoma-marseille-tom-mccarthy-matt-damon-camille-cottin
Matt Damon et Camille Cottin dans Stillwater, tourné à Marseille. © Jessica Forde/Focus Features

Une large partie du film est consacré à sa relation avec Virginie et sa fille Maya (la surprenante Lilou Siauvaud). Lorsque l’enquête est en suspens, Bill se prend à profiter de ce nouveau cadre, de cette main tendue par cette jolie néo-marseillaise horripilée par les armes à feu et Donald Trump. Finalement, en sauvant sa fille, peut-être parviendra-il à se sauver aussi ?

Entre leçon d’humilité et rêves de nouveaux départs, Stillwater est un film plein de promesses qui peine à se débarrasser de certains clichés. Tom McCarthy a pourtant fait appel au duo de scénaristes Thomas Bidegain et Noé Debré (Dheepan de Jacques Audiard) dans l’espoir sans doute de contourner l’habituelle représentation de Marseille, ville sans foi ni loi. Une mission à moitié accomplie.


Stillwater est aussi disponible en VOD sur Amazon, Apple TV et YouTube.