Cinéma

The Upside, le remake d’Intouchables, en salles américaines

Le film à succès Intouchables – 20 millions d’entrées en salles en France en 2012 – fait ce vendredi l’objet d’un remake américain. Attendue au tournant par la critique américaine qui avait dénoncé les préjugés raciaux du film original, cette comédie dramatique autour du handicap remportera-t-elle l’adhésion du public américain ?
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Kevin Hart et Bryan Cranston dans The Upside. © David Lee/STXfilms

N’y voyez aucun lien avec The Untouchables de Brian De Palma. Si la proximité du titre peut prêter à confusion, Intouchables (Untouchable en anglais) est un film bien français. Il tire son scénario de l’histoire vraie de Philippe Pozzo di Borgo, retracée dans son livre, Le Second souffle. Campé par Francois Cluzet dans le film original, cet aristocrate tétraplégique embauche comme aide à domicile Driss (Omar Sy), un « jeune de cité » d’origine sénégalaise aux méthodes peu orthodoxes, tout juste sorti de prison. Le film retrace la profonde relation qui va s’établir entre ces deux hommes, qu’a priori tout oppose.

« Le titre Intouchables fait référence à ces Indiens mis au ban de la société, comme nos deux personnages », résumaient en 2012 les réalisateurs Olivier Nakache et Eric Toledano. « Driss est plein de vie, mais il est noir, pauvre et vient de la banlieue. Son handicap est purement social. En face, Philippe incarne à sa manière la France des privilèges. Une France riche et blanche, mais paralysée. » Nourri de cette parabole autour du corps, le film original enchaîne les blagues sur le handicap physique et les problèmes d’intégration, pour mieux les démonter.

Sorti en 2011, Intouchables est le deuxième plus gros succès français aux Etats-Unis derrière le blockbuster Lucy de Luc Besson. Le triomphe de ce feel-good movie à la française avait immédiatement suscité l’intérêt des producteurs désireux d’en faire un remake. Aux Etats-Unis, c’est Harvey Weinstein, déjà distributeur du film, qui en avait racheté les droits d’adaptation. Mais après plusieurs faux départs, le tournage n’a finalement pu débuter qu’en janvier 2017 sous la direction de Neil Burger à qui l’on doit notamment le film à succès Limitless.

Cette nouvelle version reprend sensiblement la même histoire que l’originale mais est transposée à New York. Bryan Cranston, star de la série Breaking Bad, y remplace l’acteur français François Cluzet (Ne le dis à personne, Les petits mouchoirs, Médecin de campagne) dans la peau de Phillip Lacasse, un milliardaire de Park Avenue en fauteuil roulant depuis son accident de deltaplane. L’humoriste Kevin Hart y tient le rôle de Dell, précédemment joué par Omar Sy (Jurassic World, Samba, Inferno). Criminel de petite envergure repenti, Dell est engagé par Phillip pour devenir son auxiliaire de vie, sous la tutelle de l’actrice Nicole Kidman dans le rôle d’une assistante.

Bryan Cranston, Nicole Kidman et Kevin Hart dans The Upside. © David Lee/STXfilms

The Upside (Sous un autre jour en français) n’échappe pas aux stéréotypes raciaux – l’homme noir, ex-petit délinquant et père démissionnaire redonnant le goût de la vie à l’homme blanc cultivé et fortuné – qui avaient déjà valu nombre de critiques à Intouchables lors de sa sortie aux Etats-Unis. « Intouchables […] flirte avec un racisme digne de La Case de l’Oncle Tom, qu’on avait espéré ne plus jamais revoir sur les écrans américains », écrivait le journaliste Jay Weyssberg dans les colonnes du magazine américain Variety en 2012. « Driss n’est traité que comme le singe d’un spectacle de cirque, avec tout ce que cela comporte comme connotations racistes, expliquant au Blanc coincé comment s’amuser en remplaçant Vivaldi par ‘Boogie Wonderland’ et lui montrant comment bouger sur le dancefloor […]. Ce rôle est à peine éloigné de celui du joyeux esclave domestique d’antan, qui divertit le maître. »

Pour les réalisateurs français, ce type d’accusation reflétait surtout le fossé culturel qui existe entre la France et les Etats-Unis : « La question raciale reste délicate aux Etats-Unis où la relation Blancs-Noirs est sujette à préjugés. D’un point de vue américain, un film est raciste à partir du moment où les rôles du Noir et du Blanc ne sont pas interchangeables. Cela peut paraître gros, mais c’est loin d’être stupide. » The Upside bénéficie pour l’instant d’un accueil critique plus favorable qu’Intouchables, en raison d’un traitement plus fin de la question raciale, sans toutefois évacuer les clichés sociaux, juge The Hollywood Reporter. Il n’en reste pas moins un film très drôle grâce notamment à son excellent duo d’acteurs.

Présenté au festival de Toronto, The Upside aurait dû sortir en mars dernier avant que le scandale Weinstein n’entraîne un changement de calendrier. Il sera finalement en salles le 11 janvier sous la bannière de Lantern Entertainment, la société qui a racheté les actifs de la Weinstein Company.

Ces comédies françaises qui inspirent Hollywood

Trois Hommes et un couffin (1985)
Three Men and a Baby (1987)

S’il est un remake célèbre, c’est bien celui de Trois Hommes et un couffin de Coline Serreau. Trois célibataires endurcis – les acteurs Roland Giraud, Michel Boujenah et André Dussolier – s’improvisent pères quand une jeune femme dépose un nourrisson devant leur porte. Dans l’adaptation américaine, le trio de comédiens est interprété par Ted Danson, Tom Selleck et Steve Guttenberg, sous la direction de Leonard Nimoy. Il s’agit du plus gros succès au box-office américain en 1987 devant Liaison Fatale.

Boudu sauvé des eaux (1932)
Down and Out in Beverly Hills (1986)

Grand classique français, Boudu sauvé des eaux fut réalisé par Jean Renoir en 1932 avec Michel Simon dans le rôle titre. Adaptée d’une pièce de théâtre, la comédie de Renoir relatait les aventures de Boudu, un clochard parisien qui, après avoir été sauvé par un libraire alors qu’il était en train de se noyer dans la Seine, va semer l’anarchie dans la famille du brave homme. Cinquante ans plus tard, la version américaine dirigée par Paul Mazursky voit Nick Nolte dans le rôle du clochard sauvé de la noyade, non plus dans la Seine mais dans une piscine de Los Angeles !

La Totale (1991)
True Lies (1994)

Autre remake réussi, celui du film de Claude Zidi, La Totale, transposé en True Lies avec James Cameron derrière la caméra. L’histoire d’un agent secret qui va reconquérir sa femme ignorant tout des activités de son époux. Arnold Schwarzenegger, Bill Paxton et Jamie Lee Curtis remplacent les français Thierry Lhermitte, Michel Boujenah et Miou-Miou. La version américaine, davantage portée sur l’action que l’originale, est tout aussi drôle.

Un éléphant ça trompe énormément (1976)
The Woman in Red (1984)

L’histoire de quatre copains restés de grands enfants à l’approche de la quarantaine. Jean Rochefort, Guy Bedos, Claude Brasseur (césarisé pour sa prestation) et Victor Lanoux sont les héros de cette comédie culte d’Yves Robert. L’adaptation de Gene Wilder (qui interprète le rôle principal) est de bonne facture. Ce remake doit en partie sa notoriété à sa bande originale composée par Stevie Wonder, notamment le tube « I Just Called to Say I love You », Oscar de la meilleure chanson originale.


Article publié dans le numéro de janvier 2019 de France-Amérique. S’abonner au magazine.