France Insolite

Dans les Alpes, un musée révolutionnaire

A côté de Grenoble, un château du XVIIe siècle a servi de résidence estivale à cinq présidents français. Il accueille désormais le seul musée au monde consacré à l’histoire de la Révolution.
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Le château de Vizille, « berceau » de la Révolution française. © Domaine de Vizille/Département de l’Isère

Situé à vingt minutes de route de Grenoble, Vizille est un tranquille village de carte postale. Sur sa place centrale, une boulangerie, un bistrot et une stèle historique. Celle-ci n’évoque pas les deux guerres mondiales, comme c’est souvent le cas ailleurs en France, mais rappelle que la localité a été témoin des premiers soubresauts de la Révolution française. Elle en serait même « le berceau ». Le 21 juillet 1788, presque un an jour pour jour avant la prise de la Bastille, les représentants de la noblesse, du clergé et du tiers état de la province du Dauphiné se réunirent au château de Vizille pour appeler à un nouvel ordre politique. Un rôle précurseur dans la genèse de la Révolution qui a donné lieu, il y a quarante ans, à ce musée entièrement dédié à cette période de l’histoire de France.

A travers une vingtaine de pièces, de la pierre froide des fondations jusqu’au parquet des étages supérieures, les œuvres et les reliques se succèdent : faïences patriotiques, assiettes révolutionnaires, sabres de la Garde nationale et même un tambour de l’Ancien Régime dont on a gratté les fleurs de lys, le symbole royal, pour inscrire « Vive la nation et la loi ». Parmi les autres curiosités se trouve un modèle réduit de la Bastille, réalisé à partir des débris de la prison originale ! Son socle est équipé de poignées car la maquette était envoyée à des agents surnommés « les apôtres de la liberté » et présentée au public lors de fêtes civiques.

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Une maquette de la Bastille réalisée à partir des décombres de la prison parisienne, démolie dès le 16 juillet 1789. © Domaine de Vizille/Département de l'Isère
Le musée retrace les grands épisodes de la Révolution à l’aide de peintures, sculptures et poèmes. © Domaine de Vizille/Département de l'Isère
Outre le musée de la Révolution française, le château de Vizille offre une pièce d’eau, une roseraie et un parc grand comme 140 terrains de football américain! © Domaine de Vizille/Département de l'Isère

Le musée, didactique, couvre les années comprises entre 1789 (la réunion des Etats généraux et la prise de la Bastille) et 1799 (le coup d’Etat de Napoléon Bonaparte et la fin de la période révolutionnaire). Une décennie complexe que le lieu éclaire, pour le plaisir de ses 70 000 visiteurs annuels, à l’aide de peintures, sculptures et poèmes. Les nombreux tableaux, parfois gigantesque, évoquent les grands chapitres de la Révolution. On retiendra notamment L’appel des dernières victimes de la Terreur (1850) de Charles-Louis Müller : au fond d’une geôle de la prison Saint-Lazare à Paris, on lit l’effroi et le désespoir dans les yeux des malheureux dont la tête est appelée à tomber. Une saisissante manière d’illustrer la Terreur (1793- 1794) et ses exécutions sommaires. Pendant l’été 1794, le couperet de la guillotine tombera 1 300 fois en six semaines ! Autre joyau pictural, aussi peint en 1850 : Le dernier banquet des Girondins par Félix Philippoteaux, inspiré d’un précis d’histoire politique d’Alphonse de Lamartine.

La visite se poursuit sous le regard autoritaire des grandes figures révolutionnaires : Mirabeau, Danton, Robespierre, Marat. Une sorte de hall of fame sous la forme de tableaux, de sculptures et de caricatures ! La dernière partie de l’exposition s’attarde sur le mythe de 1789 et son exploitation par les divers camps politiques au XIXe siècle, ainsi que la lutte entre républicains et monarchistes. La visite s’achève dans le parc du château, grand comme 140 terrains de football américain. Outre une pièce d’eau où nagent des oies, des cygnes et des canards, on trouve une roseraie, des parterres à la française, 80 essences d’arbres et une réserve animalière. On observe les daims, les biches et les cerfs distraitement, encore absorbé par cette plongée en profondeur dans l’histoire de France…

 

Article publié dans le numéro de juillet 2022 de France-Amérique. S’abonner au magazine.