Cinéma

Eiffel, une histoire d’amour au sommet

Et si le monument le plus visité de France devait sa forme élancée à une passionnelle histoire d’amour ? C’est l’hypothèse qu’explore le film Eiffel, « librement inspiré de faits réels », en salle à partir du 3 juin aux Etats-Unis.
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© Courtesy of Blue Fox Entertainment

Au milieu des années 1880, Gustave Eiffel n’a que faire de l’Exposition universelle qui se profile à l’horizon. Ni du projet de tour que lui soumettent les ingénieurs Maurice Koechlin et Emile Nouguier. Le fondateur de l’entreprise Eiffel & Cie planche alors sur un train souterrain. « C’est le métro qui m’intéresse », dit-il. « Je ne vois pas l’intérêt de construire un machin qui ne sert à rien et qu’il faudra démonter juste après. » A ses deux employés, il ordonne de retourner au travail et d’oublier leur « pylône ».

Pourquoi « le magicien du fer » changea-t-il d’avis ? Une femme serait à l’origine de ce retournement, selon la légende. Inventeur de génie, auteur d’ouvrages d’art sur cinq continents, auréolé de gloire après avoir conçu la structure interne de la statue de la Liberté, Gustave Eiffel est le bâtisseur français le plus en vue de la Belle Epoque. Mais sa vie privée demeure mystérieuse. On sait qu’en 1877, sa femme Marguerite est emportée par la tuberculose, le laissant veuf avec cinq enfants. Le film commence véritablement lorsque le père absorbé par son travail, intempestif et souvent brusque avec ses subalternes, retrouve par hasard un amour de jeunesse…

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© Courtesy of Blue Fox Entertainment

« Il allait se marier et ça ne s’est pas fait », raconte au micro de France Inter l’acteur Romain Duris, qui campe un Gustave Eiffel aussi élégant que moderne. « On est parti d’un détail de cette rencontre avec Adrienne Bourgès, qui a réellement existé, et on a imaginé cette histoire d’amour. » Eiffel a 28 ans et d’origine modeste, chargé de jeter une passerelle de fer longue de 510 mètres au-dessus de la Garonne à Bordeaux. Adrienne en a 18, elle est la fille d’un grand négociant qui loue ses ateliers au chantier. Mais ses parents refusent le mariage et les deux amants sont contraints de se séparer.

Lorsqu’ils se retrouvent à Paris vingt ans plus tard, Adrienne – incarnée par la détonante Emma Mackey, une actrice franco-anglaise révélée par la série de Netflix Sex Education – est mariée à un ami d’Eiffel. Peu importe. Un timide « Bonsoir » et un échange interminable de regards suffisent à faire oublier au visionnaire son idée de métro. « Une tour », promet-il au ministre de l’Industrie Edouard Lockroy. « Trois cents mètres. Entièrement en métal. » De quoi rivaliser avec l’obélisque de Washington, haut de 169 mètres, et prouver au monde la grandeur de la France, humiliée par sa défaite face à la Prusse.

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© Courtesy of Blue Fox Entertainment

2,5 millions de rivets, le symbole de Paris

D’un trait de crayon, Eiffel reprend les plans qu’on lui propose. Il élargit la base, cambre les quatre montants et trace des arches monumentales sous les entretoises qui forment le premier étage. Une lettre se dessine : un « A » majuscule. Comme la première lettre du prénom Adrienne ? On ne le saura jamais. Toujours est-il que le projet séduit le jury de l’Exposition universelle et la construction des fondations commence au bout du Champs-de-Mars, le 28 janvier 1887. Les 18 038 éléments métalliques seront fondus dans les ateliers Eiffel de Levallois-Perret, au nord-ouest de Paris, avant d’être assemblés sur le chantier.

Si l’histoire d’amour est souvent poussive, elle sert de prétexte pour porter à l’écran l’histoire de la tour, qui faillit ne jamais voir le jour tant les critiques à son encontre furent violentes. Le monument était pour les riverains « une verrue sur Paris » et pour Guy de Maupassant un « cauchemar inévitable et torturant ». Paul Verlaine le comparera à un « squelette » et J.K. Huysmans à un « suppositoire solitaire et criblé de trous » ! Sans parler des grèves et des banquiers frileux. Mais Eiffel et ses 250 ouvriers persévérèrent, au rythme de neuf heures par jour en hiver et douze l’été, avec un seul accident mortel en vingt-six mois.

© Courtesy of Blue Fox Entertainment

Tout au long du film, qui allie avec brio prises de vue réelles et images de synthèse, on prend plaisir à voir la tour sortir du sol et s’élever vers le ciel jusqu’à dominer les toits de la capitale. Mises en musique par Alexandre Desplat, les scènes dans les caissons à air comprimé – une technique employée pour cimenter au sec les fondations de la tour dans le sol spongieux des rives de la Seine – donnent l’impression d’étouffer et celle de travail en hauteur, en équilibre sur les poutres, donnent le vertige.

La tour, inaugurée le 31 mars 1889, ne sera jamais démontée. Buffalo Bill et la famille royale d’Angleterre seront même parmi les premiers visiteurs de marque à emprunter ses ascenseurs à vapeur ! Elle attire aujourd’hui sept millions de curieux par an, dont trois quarts d’étrangers. De quoi faire mentir les détracteurs d’Eiffel, qui lui demandèrent s’il n’avait pas peur « qu’un tel mastodonte fasse fuir les touristes de Paris ». La réponse du bâtisseur : « Au contraire, ils viendront par milliers les touristes, d’Europe et du Nouveau Monde. »

Sortie américaine : 3 juin
Durée : 110 min
Réalisateur : Martin Bourboulon
Avec : Romain Duris, Emma Mackey, Pierre Deladonchamps
Distributeur américain : Blue Fox Entertainment