De Paul Gauguin (1848-1903), nous connaissons les toiles de maître de l’école de Pont-Aven, les tableaux mystiques du Christ jaune à la limite du fauvisme et les silhouettes plantureuses des Polynésiennes se languissant sur les plages de Tahiti.
C’est à l’envers de la carte postale que s’attache ce bel album retraçant les deux dernières années de vie de l’artiste : son arrivée aux Marquises, sa maladie et sa révolte contre la tutelle coloniale. On y découvre un Gauguin ruiné, en rupture avec la culture française et exilé volontaire sur l’Île de Hiva, où un autre grand artiste, le chanteur Jacques Brel, choisira de finir ses jours. Fasciné par la beauté des paysages mais aussi des corps et des âmes des Maoris, il s’y bâtit une case en bois, sa « maison du jouir » comme il la surnomme, et s’affranchit des convenances : prônant la désobéissance, la liberté sexuelle et la fin du joug colonialiste, il refuse de payer ses impôts et devient le porte-parole des autochtones.
Ce sursaut sera de courte durée. Gauguin sombrera bientôt dans la folie. Alcoolique, dépressif et excessif, il meurt trois ans après son arrivée d’une overdose de morphine mais laisse derrière lui quelques-unes de ses plus belles œuvres et un combat oublié doublé d’un idéal libertaire que peu de biographes ont su révéler. L’album vaut aussi pour ses qualités esthétiques. Le graphisme et les couleurs employées ne sont pas sans rappeler certaines toiles de Gauguin, tandis que certains décors semblent tout droit sorti d’un tableau du Douanier Rousseau.
Gauguin, loin de la route, de Christophe Gaultier (illustrateur) et Maximilien Le Roy (scénario). Le Lombard. 88 pages. 19,99 euros.
Article publié dans le numéro d’août 2016 de France-Amérique.