France-Amérique : En 2025, l’U.S. Army fêtera son 250e anniversaire. Plus ancienne branche des Forces armées des Etats-Unis, c’est pourtant la dernière, ou presque, à construire son musée national.* Pour quelle raison ?
Tammy Call : Le calendrier de la création du musée a été influencé par de nombreux facteurs différents, y compris la collecte de fonds. Plus de 400 millions de dollars furent nécessaires, une combinaison d’argent public et de dons privés. Ces derniers, réunis par le biais de notre organisme à but non lucratif, l’Army Historical Foundation, comprenait les contributions d’important donateurs dont vous lisez les noms dans le hall d’entrée et celles de donateurs plus modestes, qui ont versé 25 dollars chacun. Cela a donc pris pas mal de temps, et la crise de 2008 a ralenti le processus. Mais, en 2014, la fondation nous a donné son feu vert. Ce délai a permis à notre équipe de réfléchir en profondeur au contenu du musée. Pour raconter en détail toute l’histoire de l’U.S. Army, unité par unité, il nous aurait fallu dix à vingt fois plus de place ! Nous avons donc préféré partager l’histoire globale, au travers des soldats pris individuellement, tant les héros de nos livres d’histoire que les combattants moins connus.
En 2022, l’U.S. Army a manqué de 25 % son objectif de recrutement. Le musée, avec sa scénographie spectaculaire, son cinéma immersif, ses simulateurs de réalité virtuelle et son Centre d’apprentissage interactif, est-il un moyen d’atteindre de nouveaux candidats ?
Nous ne sommes pas explicitement un outil de recrutement, mais nous encourageons nos recruteurs à venir avec quiconque souhaite mieux connaître l’Armée. Nous sommes un important point de contact pour quelqu’un qui pense à s’engager. La galerie où nous nous trouvons en particulier, « Armée et société », explore la relation symbiotique entre les citoyens et l’Armée. De fait, en tant qu’organisation, l’U.S. Army offre de multiples possibilités. Elle permet aux individus de changer le cours de leur vie si ils choisissent de s’engager. Donc tout candidat potentiel peut approfondir ici ses connaissances sur l’Armée, mais notre mission reste une mission de service public. Le musée est gratuit et ouvert 364 jours par an – nous sommes pour ainsi dire le Smithsonian de l’Armée. Nos clients sont le grand public et les soldats.
Parlez-nous de votre carrière militaire. J’ai lu que vous avez d’abord été officier.
Oui, j’ai été sous-lieutenant dans le corps de l’ordonnance et j’ai servi brièvement au moment de la guerre froide. Je gérais un parc de véhicules à Fort Benning, en Géorgie – c’est l’endroit où les engins à roues de type camions de 2,5 tonnes sont réparés, chargés et préparés pour les convois. A mon départ, j’ai rapidement intégré le département de l’Armée en tant que civile et j’y ai fait l’essentiel de ma carrière. Avant de devenir directrice du musée en 2014, j’ai été sélectionnée pour un programme conjoint du département de la Défense et j’ai obtenu un master en études stratégiques à l’Air War College [à Montgomery, dans l’Alabama]. Mais je suis tombée dans l’Armée toute petite : mon père, qui était soldat de carrière, a servi au Vietnam dans la 4e division d’infanterie. Comme vous voyez, j’ai toujours été proche de l’U.S. Army – elle a fait partie de ma vie dès le début !
*Le musée national de l’U.S. Air Force, près de Dayton, dans l’Ohio, a ouvert au public en 1954, le musée national de l’U.S. Navy, à Washington, en 1963 et le musée national du corps des Marines, à Triangle, en Virginie, en 2006. Le musée national de la Garde côtière devrait ouvrir l’an prochain à New London, dans le Connecticut, et la Force spatiale, fondée en 2019, est encore trop récente pour avoir son propre musée.
Entretien publié dans le numéro de mai 2023 de France-Amérique. S’abonner au magazine.