Présidente de l’association Tampa Bay French Expats, Joyce Michele Rathle parle d’une voix posée, aussi calme que les rivages du golfe du Mexique. A la tête d’une compagnie d’assurance, elle fait partie de la communauté des 3 000 Français installés à Tampa, sur la côte ouest de la Floride. « Je suis arrivée ici en 1986, pour rendre visite à une amie. Quelques jours après, je devais prendre un poste à Washington D.C. Finalement, je suis restée pour cette qualité de vie. » S’ils sont quelques-uns, comme elle, à s’être expatriés pour le beau temps continuel et les sports nautiques, la majorité des Français sont arrivés pour des raisons économiques.
« C’est une zone extrêmement dynamique », explique Jean-Charles Faust, consul honoraire et président du French American Council of West Florida (FRAMCO), une organisation de promotion économique franco-américaine associée au réseau des chambres de commerces franco-américaines. « Les gens viennent ici pour s’engager dans un vrai projet professionnel. Il y a de la place et les coûts d’implantation sont plus faibles qu’à Miami. » Près de 50 entreprises françaises, dont des grands groupes français comme Veolia (qui opère le traitement des eaux dans la région), Axa, Bic, Sodexo ou Bureau Veritas, ont installé leur filiale à Tampa, ou à proximité, à St. Petersburg et Clearwater. Et la France se hisse aujourd’hui au rang de quatrième investisseur étranger de la région.
Mais qu’est-ce qui rend cette baie de Tampa si attrayante ? Deuxième région économique de Floride, elle regorge de ressources, au premier rang desquelles les agrumes et la canne à sucre. Ce sont d’ailleurs deux des principaux ingrédients des sirops Monin qui sont produits ici. Autre secteur porteur, la construction, avec des tonnes de ciments et d’agrégats qui arrivent par le port. Saint-Gobain y a d’ailleurs installé son siège américain pour son activité « Placoplatre ». Idem pour Vinci, via sa filiale américaine Hubbard Construction Company, qui emploie 600 personnes.
Le port de Tampa, jumelé avec Le Havre
La baie de Tampa accueille également de nombreuses sociétés médicales ou biomédicales, à l’image d’Essilor ou de Bausch & Lomb Pharmaceuticals, spécialisées dans l’optique. Là, ce sont les partenariats qui expliquent leur implantation. Essilor, leader mondial de la lentille ophtalmique et des verres de lunettes, s’est installé ici dans les années 1970 suite à un rapprochement avec une entreprise locale. Et si depuis six ans, le siège américain a déménagé à Dallas, au Texas, Tampa conserve toujours son service recherche et développement, qui emploie 130 personnes, et a fondé une autre structure, Transitions Optical, à St. Petersburg.
L’énorme atout de Tampa Bay, c’est son port. Il est le premier de Floride, ce qui lui a d’ailleurs valu un jumelage avec Le Havre, en France, en 1992. En termes de trafic, la Tampa Port Authority enregistrait en 2010 plus de 14 000 000 de tonnes de marchandises en transit par an, un chiffre qui devrait continuer d’augmenter avec l’élargissement du canal de Panama. Et la première de ces marchandises en transit, c’est l’or noir. « Tout le pétrole qui alimente l’Etat de Floride arrive ici », rappelle Jean-Charles Faust de la FRAMCO.
Le port donc, mais aussi l’aéroport et le réseau routier : la position stratégique de Tampa sur le continent américain et ses infrastructures sont plébiscités par les chefs d’entreprises français. Clextral, spécialiste de l’extrusion alimentaire, a lancé sa succursale aux Etats-Unis en 1983, raconte Didier Thévenet, son directeur. Et sept ans plus tard, et après un nouveau partenariat avec une société industrielle locale fabriquant des équipements pour les boulangeries, l’entreprise a décidé de s’implanter dans le Tri County Business Park, au nord de la baie. « Nous partions du principe que notre filiale devait pouvoir couvrir tout le continent américain. Et le point central, c’est ici en Floride. Cela nous permet d’avoir des connexions plus rapides, avec un aéroport qui dessert bien l’Amérique centrale, la République Dominicaine et Haïti. »
Beaucoup d’entrepreneurs sont ravis de la mise en place par Air France de trois vols directs par semaine entre Paris et Orlando, à 136 kilomètres au nord de la baie. Seul bémol, le projet de train à grande vitesse, qui devait relier Orlando à Tampa, vient d’être enterré par le gouverneur.
Des opérations immobilières extraordinaires à faire
Afin de continuer à promouvoir la baie de Tampa, la FRAMCO va organiser à l’automne une mission commerciale en France pour attirer de potentiels créateurs d’entreprises qui souhaiteraient s’expatrier. « Il est évident que les Etats-Unis aujourd’hui offrent des occasions intéressantes », souligne Jean-Charles Faust. « Après la crise, il est plus facile d’acquérir des sociétés, il y a des opérations immobilières extraordinaires à faire, avec un taux d’échange dollar-euro très favorable pour les Français. »
Le président de la FRAMCO reçoit d’ailleurs de nombreux appels de patrons français, intéressés par une aventure aux Etats-Unis. L’un d’entre eux veut par exemple tester ici une chaîne de restauration rapide, un café-crêperie, qu’il souhaite ensuite développer sur le territoire américain. Car Tampa fait figure de ville test : « Tampa Bay, c’est la région où de nombreux concepteurs sont venus s’installer », explique le consul honoraire. « Contrairement à Miami, qui est plutôt une ville où sont installés de nombreux Hispaniques, la population ici représente le parfait échantillon américain. » Mais un échantillon avec davantage de soleil et d’opportunités qu’ailleurs, ce qui risque fort de continuer à attirer de plus en plus de Français.
Article publié dans le numéro de mai 2011 de France-Amérique. S’abonner au magazine.