France-Amérique : Quel mot retenez-vous de cette année électorale américaine ? Pourquoi ?
Sylvie Kauffmann : Rigged [truqué]. Si fake news [intox] était le mot de 2016, cette année Donald Trump a franchi un palier supplémentaire en tentant de discréditer le processus électoral, en mettant en doute la validité du vote par correspondance et en refusant de s’engager sur l’acceptation du verdict. J’ai couvert l’élection de 2000 et la bataille de Floride ; je n’aurais jamais imaginé que la démocratie américaine puisse en arriver là.
Vous avez couvert la politique américaine sous la présidence de Bill Clinton et de George W. Bush entre 1993 et 2001. Comment avez-vous vu évoluer les relations entre la France et les Etats-Unis ?
Le monde est totalement différent aujourd’hui. Les relations transatlantiques ont commencé à se distendre dès l’après-11 Septembre, puis avec la guerre d’Irak, même si plusieurs pays européens (pas la France) y ont participé. Sous la présidence Obama, les priorités ont divergé. Avec Trump, la France s’est sentie plus motivée pour jouer la carte de l’autonomie européenne. Emmanuel Macron a réussi à maintenir le dialogue ouvert avec Donald Trump, mais celui-ci ne lui a rien cédé. Un rare point positif a été la coopération dans la lutte contre le terrorisme.
Selon vous, l’Europe demeurera-t-elle le principal allié des Etats-Unis dans leurs relations diplomatiques ?
Cela dépend en partie de qui gagne l’élection. L’ascension de la Chine a bouleversé beaucoup de choses. Trump, dans l’affrontement avec Pékin, n’a pas cherché à mettre l’Europe de son côté. Il ne s’intéresse pas à l’OTAN, il a tout fait pour affaiblir l’Union européenne. Les Etats-Unis ont abandonné le multilatéralisme, alors que l’Europe y croit encore. Si Joe Biden devient président, il essaiera de recoller les morceaux et la relation sera plus fluide, mais rien ne sera plus comme avant.
Entretien publié dans le numéro de novembre 2020 de France-Amérique. S’abonner au magazine.