La scène est mythique. En ouverture du film Breakfast at Tiffany’s (Diamants sur canapé en français), réalisé par Blake Edwards en 1961, la jeune héroïne Holly Golightly (Audrey Hepburn) sort d’un taxi jaune à l’aube pour déguster un modeste petit-déjeuner – croissant et café, tirés d’un sac en papier – devant les vitrines du célèbre joailler de la Cinquième Avenue. L’immeuble au numéro 727 est toujours là, et depuis sa réouverture après une spectaculaire rénovation, il est même possible d’y manger. Au cinquième étage, le Blue Box Café, clin d’œil aux petites boîtes bleu turquoise de la bijouterie, a été confié à l’un des plus célèbres chefs français de New York : Daniel Boulud.
Pas question d’y venir dès l’aurore, cependant, car le restaurant n’ouvre qu’avec la boutique, à 10 heures en semaine et le samedi, et à 11 heures le dimanche. Au menu, le bien nommé « Breakfast at Tiffany’s », facturé 58 dollars, tient plus du brunch que du café-croissant : il associe une ravissante rosace d’ananas et de fraises, un parfait au granola et aux framboises, trois petites viennoiseries, un cocktail de jus de fruits et, comble du raffinement, un œuf brouillé au caviar servi dans sa coquille. La carte propose aussi différents plats, ainsi qu’une sélection de sandwichs et de pâtisseries pour un « Tea at Tiffany’s ».
« Je travaillais déjà avec la maison Tiffany & Co. pour des événements, avec ma société de traiteur Feast and Fêtes, bien avant qu’elle ne rejoigne le groupe LVMH », explique Daniel Boulud, dont le groupe a également fourni les gâteaux d’une première – et éphémère – version du café, ouverte en 2017 et fermée deux ans plus tard. Après le rachat du joaillier américain par le géant français du luxe, fin 2020, ce dernier s’est adressé à Daniel Boulud pour superviser l’intégralité du restaurant. « La consigne était de faire un all-day café, de l’ouverture à la fermeture du magasin, avec une offre complète et disponible à toutes les heures de la journée », explique le restaurateur. « Cela donne une carte à la fois chic et relax, avec une touche de légèreté, d’originalité et de fantaisie. » La responsabilité des cuisines a été confiée à une jeune cheffe française, Raphaëlle Bergeon, qui avait déjà travaillé avec lui pour des événements et des clients privés.
La salle du café compte une cinquantaine de couverts, dont sept au bar, ainsi qu’un salon privé de douze sièges. La décoration, confiée comme l’ensemble du bâtiment à l’architecte star des maisons de luxe, l’Américain Peter Marino, use sans retenue du bleu emblématique de Tiffany. Avec toutefois une touche d’humour : une impressionnante suspension composée de centaines de boîtes à bijoux orne le plafond, et le sol semble parsemé de tâches de couleurs, comme si un enfant avait trempé ses doigts dans un pot de peinture. Depuis l’ouverture, le 22 mai dernier, les réservations s’arrachent, mais on peut aussi venir à l’improviste. Avec un peu de chance ou de patience, il est possible de trouver une ou deux places au bar, parmi une clientèle élégante et très majoritairement féminine.
Quant au chef Boulud, qui vient de fêter les 30 ans du restaurant qui a fait sa gloire, Daniel, dans l’Upper East Side, il continue d’étendre son empire gastronomique new-yorkais. Cet automne aura lieu la réouverture de Café Boulud, fermé depuis la pandémie, à une nouvelle adresse proche de Park Avenue. Suivra à l’automne 2024 une « steakhouse à la française » et un marché sur 1 500 mètres carrés, dans un nouvel immeuble en construction près du Flatiron Building. En attendant, et en cas de bourdon, nous ferons nôtre le dicton d’Holly Golightly : « Moi, la seule chose qui me remette d’aplomb, c’est sauter dans un taxi et aller chez Tiffany. »
Article publié dans le numéro de juillet-août 2023 de France-Amérique. S’abonner au magazine.